Depuis toujours l’homme a désiré conquérir le fond de la mer. Les ouvrages et gravures d’autrefois en témoignent. La curiosité, l’observation, la récupération d’objets "tombés à la mer", la pêche aux éponges, aux huîtres perlières, au corail et bien entendu, tout acte de guerre, sont des raisons suffisantes pour qu’un homme se risque au fond de l’Océan. La plongée en apnée, c’est-à-dire en retenant sa respiration, a été le première technique d’immersion. Mais quelques minutes passées au fond de l’eau se révèlent bien courtes… La plongée avec appareillage est née dans le but de prolonger ce temps d’immersion. L’ignorance scientifique du début donne naissance à des équipements de plongée totalement fantasques, jusqu’au jour où la cloche à plonger apparaît : C’est le début de la grande Aventure.
La cloche à plonger est déjà décrite par Aristote au IV avant Jésus-Christ. Ce qui tend à penser que son usage se perd dans la nuit des temps tant son principe est simple. Tout le monde a pratiqué l’expérience qui consiste à placer un verre renversé dans une bassine pleine d’eau et a constaté que l’air y reste emprisonné. En pratique les choses sont beaucoup plus compliquées. Il faut construire un récipient assez grand (La cloche) pour qu’au moins un homme puisse y prendre place et lester ce récipient très lourdement pour qu’il descende sous l’eau.
Dans les cloches dites "primitives". On y respirait de l’air qui y était contenu au départ de la surface, ce qui avait pour principal inconvénient d'asphyxier son occupant en l'intoxiquant avec son propre gaz carbonique. On songea à renouveler l'air constamment pour évidemment prolonger le séjour dans la cloche positionnée sur le fond et éviter les épuisantes manœuvres de relevage.
La solution radicale de renouvellement de l’air sera trouvée par l’astronome Edmund Halley. Il fera parvenir de la surface des barils lestés et remplis d’air que l’on débouche grâce à un robinet muni d’un tuyau. Ce procédé permit à Halley et quatre autres plongeurs de séjourner une heure et demie à la profondeur de 18 mètres.
Quatre grandes phases d’évolution ont permis d’aboutir à une cloche à plongeur relativement fiable et efficace. Son développement est dû à l’accroissement de son utilisation et surtout aux progrès permanents des sciences et techniques. Employée pour un simple rôle d’observation au début, elle est utilisée par la suite, pour la récupération d’objets engloutis. Mais c’est la réalisation de constructions immergées qui transformera la cloche à plongeur primitive en véritable outil de travail. Cette dernière deviendra indispensable.
Les cloches à plonger furent parfois encore utilisées bien après l’avènement du scaphandrier "Pieds-lourds" dans la construction d'ouvrages importants ou bien particuliers. Le film ci-dessous montrant l'usage d'une cloche à plonger est exceptionnel. Il est en effet très rare de trouver autre chose que des dessins, des peintures ou des gravures...
A diving bell is lowered into the docks at St Katherine's Dock, London.
Pour travailler sur des sites d’accès difficiles, un moyen d’une grande simplicité fût imaginé au début du XVIII siècle. Le tonneau lesté muni de deux ouvertures pour laisser passer les bras de l’homme qui était enfermé hermétiquement. Aucun moyen pour renouveler l’air en plongée n’était prévu. A chaque retour à la surface, les assistants dévissaient les ouvertures prévues à cet effet, ventilaient de l’air grâce à un soufflet. Une autre ouverture était pratiquée au niveau des pieds de l’occupant pour évacuer l’eau qui aurait pu s’introduire à l’intérieur de l’appareil. Les plus célèbres furent les anglais John Lethbridge et Jacob Rowe (1715). Ils travaillaient parfois six heures d’affilée à une profondeur de 18 à 20 m, restant parfois enfermés une demi-heure.
En 1771, un bourgeois de Paris, nommé Fréminet avait imaginé une curieuse machine à plonger. Baptisée "Hydrostatergatique" par l’inventeur, elle était en cuir et la tête en cuivre. Un réservoir séparé contenait "9 pouces cubes d’air" communiquant par deux tubes élastiques à la bouche et au sommet du casque. Pour assurer l’alimentation et la circulation de l’air, un soufflet contenu dans le réservoir et actionné par un ressort à spirale assurant ce rôle. Fréminet escomptait que la fraîcheur de l’eau réduisant les émanations de fluide humide contribuerait à vivifier l’air.
L’allemand Karl-Henrich Klingert (1797) va partager avec Freminet le mérite d’affranchir le plongeur de la surface, du moins en ce qui concerne l’alimentation en air. Génie inventif, un premier projet conserve le lien avec la surface pour l’alimentation en air par tuyaux. Un second projet montre un plongeur debout sur la plateforme d’un monstrueux réservoir en bois contenant 58 "pieds cubes" d’air comprimé pour atteindre de plus grandes profondeurs et assurer des plongées de deux heures.
Le scaphandrier actionnait une manivelle pouvant faire monter ou descendre un réservoir lourdement lesté. Un système d’engrenages mettant en mouvement un piston, diminuait ou augmentait le volume du réservoir. Lorsque le piston remontait, il diminuait le volume et la machine s’immergeait.
L’ingénieur Augustus Siebe (1819), un ingénieur allemand naturalisé britannique, proposa la première version du célèbre scaphandre qui va porter son nom. C’est le début de la plongée avec les scaphandriers les "pieds-lourds". Le principe de ce casque ne changera pas pendant 150 ans et seule l’invention du détendeur, permettant la mise au point du scaphandre autonome, viendra le détrôner.
En 1837, il met au point le premier scaphandre totalement étanche combinant un casque rigide avec un vêtement intégral imperméable et relié à une pompe d'air en surface. Il avait ainsi transformé son invention d'une pompe à eau et dont il avait déposé le brevet en 1828.
Augustus Siebe s'associe en 1868 avec William Augustus Gorman (anciennement O'Gorman). Ils fondent l'une des principales entreprises de matériels de plongée au monde : Siebe Gorman & Co.
Quel est le lien entre ces deux hommes et la raison de leur alliance ? William Augustus est le beau-fils d'Augustus Siebe.
Il s'est plutôt occupé de la partie commerciale de l'entreprise.
Joseph-Martin Cabirol (1799-1874), chapelier à l'origine puis fabricant de caoutchouc, réalise entre autres des costumes pour les plongeurs à partir de 1841.
L'atelier de fabrication de Cabirol, Rue Marcadet 168 à Paris.
En 1855, il présente à l'Exposition Universelle, un équipement complet de scaphandrier. Cet équipement amélioré sera adopté en 1860 par la Marine Impériale française après de nombreux essais satisfaisants et sera considéré comme l'un des meilleurs scaphandres.
Il aura une situation de quasi-monopole jusqu'en 1865. Cette situation ne pouvait durer, la concurrence nationale est réelle dès 1865 avec l'apparition de l'appareil Rouquayrol à air comprimé inventé par Benoît Rouquayrol (1826-1875).
Son nom reste pour l'Histoire le premier industriel français de matériel pour scaphandriers Pieds-Lourds.
Dans les années 1820, un dentiste parisien va concrétiser immédiatement ses recherches et jouira d’une certaine notoriété de son vivant. Paul Lemaire d’Augerville met au point un appareil de lutte contre l’incendie, que l’on appellerait ARI (appareil respiratoire isolant) de nos jours. Il comprenait une espèce de cuirasse à double surface dans laquelle on introduirait de l’air comprimé injecté dans un masque au moyen d’un robinet. L’expérience n’étant pas concluante, l’appareil fût abandonné. Loin de se décourager, l’inventeur qui avait de grandes ambitions et beaucoup de persévérance, résolut de réaliser une version aquatique de son appareil qui peut être considéré comme l’un des premiers scaphandres autonomes ayant fonctionné. Le plus remarquable de tout son équipement était peut-être cette petite ceinture natatoire qui permettait au plongeur de descendre ou monter. La description de son appareil serait trop longue à expliquer mais mérite d’être mentionnée.
L'appareil Rouquayrol à air comprimé, du nom de son inventeur Benoît Rouquayrol (1826-1875) représente, dans son principe, la conception des scaphandres actuels.
Cet appareil, dont la mise au point a débuté en 1860, est devenu opérationnel en 1862 et a été perfectionné jusqu’en 1864. Il sera proposé la même année à la Marine Impériale française par le lieutenant de vaisseau Auguste Denayrouze (1837-1883).
Une étroite collaboration entre les deux hommes s'ensuivra. Il est à noter que ces derniers ont bénéficié de l'expérience de Joseph-Martin Cabirol (1799-1874).
Consacré sur le dos du Capitaine Nemo par Jules Verne dans Vingt mille lieues sous les mers, le scaphandre de Rouquayrol-Denayrouze symbolise l’épopée technologique du XIXe siècle. Il n’est peut être pas le plus abouti mais son régulateur d’air à la demande, son réservoir de plus de 1400 litres d’air détendu et sa facilité de mise en route le feront adopter par les marines de guerre française, anglaise, espagnole, italienne, suédoise, norvégienne, russe et autrichienne.
A noter qu'en 1895, la société crée par Rouquayrol et Denayrouze devient la "Société Charles Petit" et en 1930 "Etablissements René Piel".
Le premier recycleur opérationnel, inventé à des fins subaquatiques date de 1878 et on le doit à Henry Fleuss. Son invention lui permit de faire une immersion de plus d’une heure à 6 mètres de profondeur. Il s’associera alors avec Augustus Siebe pour développer son invention.
La confrontation des technologies
L’utilisation du casque des scaphandriers pieds-lourds puis du masque des plongeurs autonomes concrétise le passage d’un univers hostile où on ne va que travailler, à un espace merveilleux où il fait bon se promener. On assiste à une "révolution douce" où progressivement l’idée d’aller sous l’eau sans y travailler fait son chemin. On retrouve cette idée exprimée dans le roman de Jules Verne, "Vingt mille lieues sous les mers", où l’auteur équipe ses promeneurs sous-marins d’un scaphandre, vraisemblablement Cabirol, et d’un régulateur Rouquayrol-Denayrouze. La longue partie de chasse qu’il met en scène, comme les promenades dans l’Atlantide, atteste d’un univers qui reste très fantasmatique.